Une alliée dans la famille

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Août 2014. Nous allons à la Fondation Mira, mon ado TSA de 12 ans et moi, pour aller chercher celui ou celle qui allait accompagner tous ses déplacements 24 heures /24, même à l’école et ce, sûrement pour les 10 prochaines années. En route ce fut angoissant, nous savions qu’à cet instant, notre vie familiale allait complètement changer. Une semaine d’entraînement intensif où, pour la première fois, mon fils faisait preuve de maturité, d’assurance, de dépassement de soi. Une semaine où je l’ai observé de loin, pousser au maximum de ses propres limites et particularités, où je me disais « tout cela me semble tellement trop exigeant pour un enfant avec autant de limitations ». Car des conditions associées, mon fils, il en cumule. TSA, hypotonie, dyspraxie, TDA, TAG, troubles sensoriels, etc. Une semaine à côtoyer l’autisme sous huit formes d’ados ou de jeunes adultes, une semaine à me nourrir de tout ce que je pouvais en développant des relations d’amitié avec les autres parents. Une semaine où jamais tu n’as à t’excuser du comportement ton fils. La plus belle expérience de toute une vie.

Puis, de retour à la maison, nous planifions déjà la rentrée scolaire, rentrée au secondaire, l’épisode où tu as l’impression de revivre l’entrée à la maternelle.  Ah ce temps d’adaptation! Le milieu scolaire étant peu informé du nouveau programme pour enfants autistes devait s’ajuster. Par choix? Non, sûrement plus par obligations. Car obtenir un chien d’assistance, c’est aussi apprendre qu’on a des droits, c’est constater qu’en tant qu’enfant handicapé, le parcours est encore une fois difficile. L’entrée scolaire sépara alors mon nouveau duo le temps de formalités. J’avais un fils en pleurs, assis sur un banc au dîner, réclamant et regardant la photo de sa chienne qui, ici, était couchée à attendre son maître, à attendre son droit d’accompagner son bénéficiaire…

Mon fils fréquente maintenant l’école secondaire à temps plein, avec sa chienne, depuis un an et demi. Puis rapidement,  les bienfaits se sont cumulés les uns après les autres. Plus d’idées noires, maintenant, il devenait le seul responsable de cet être vivant qui allait lui donner de l’assurance, de la mobilité, une meilleure motricité. Une chienne qui le fait sortir chaque jour pour jouer et marcher, qui lui donne de la sécurité, qui lui permet de se responsabiliser et de développer son estime de soi. Une chienne qui lui permet de se situer dans l’espace/temps, qui a éliminé tous ses maux et qui lui permet des nuits paisibles. Une compagne qui lui a fait découvrir les émotions, les besoins et l’empathie. Une alliée  très expressive, très réceptive, remplie de joie et d’amour à donner. Une présence rassurante qui lui permet de développer son autonomie.

Merci à cette chienne de m’avoir permis de comprendre profondément mon fils.  À travers elle, je sais que, même sans démonstration, il m’aime! Tout passe par elle, tout est relié à leur relation. En 13 ans d’autisme, aucune thérapie, aucun service ne peut se comparer à ce qu’un chien d’assistance, moyen pour pallier à un handicap, peut apporter. Mais s’il-vous-plaît, quand nous sommes en société, au magasin, à l’épicerie ou chez le docteur, comprenez que nos chiens sont en travail constant, que oui nous aimons échanger sur notre expérience, mais que plus souvent qu’autrement , nous sommes présentement en train de gérer une rigidité.

Par contre, le chien d’assistance n’est pas pour tous. Il ne l’est pas pour mon plus jeune de 5 ans, TSA, qui déteste encore aujourd’hui la proximité de la chienne de son frère. J’espère aussi pouvoir un jour trouver ce qui apportera à notre petit dernier, la même joie que cette chienne apporte à son grand frère.

Aujourd’hui, si mon fils est en vie, c’est grâce à elle! Le matin, il se lève pour la réveiller, s’habille pour la sortir, mange pour la faire manger, se prépare pour la préparer. Chaque matin, je me retrouve encore les larmes aux yeux, cachée derrière le rideau du salon, quand il entre dans son transport scolaire avec sa chienne. Je me dis et redis « Wow quelle expérience! Il a réussi, il est si responsable, quel bel adolescent! » Comment j’aurais pu savoir qu’un chien d’assistance changerait autant sa vie et sa propre perception de son handicap? J’échangerais volontiers des années de ma propre vie pour augmenter la longévité de celle qu’il aime le plus au monde. Celle qui en a tellement à lui donner…

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Je me nomme Mélanie Pacheco, fière maman de 3 magnifiques garçons. Ludovik, 15 ans orphelin de mère, partage ma vie depuis près de 10 ans. Karl, 13 ans TED avec plusieurs conditions associées, partage son quotidien et fréquente l'école secondaire en classe TSA avec sa chienne d'assistance . Puis, notre petit Rémi, 5 ans TSA, qui débutera l'école en classe spécialisée TSA primaire suite à une mesure transitoire en CPE. J'ai la chance d'avoir un conjoint merveilleux qui s'implique entièrement auprès de nos fils et qui accepte notre réalité. Je suis bachelière en communication du programme d'animation et de recherche culturelle. J'ai gradué enceinte de 8 mois, j'avais la vie devant moi, un travail que j'adorais auprès d'enfants de milieux défavorisés vivant plusieurs problématiques culturelles et sociales . Jamais je n'aurais pensé que ma vie allait autant changer car à la fin de ce congé de maternité, je me retrouvai maman d'un premier fils diagnostiqué TED à l'âge de 22 mois. Le modèle travail - garderie étant impossible, les prêts étudiants sans plus aucune garantie de salaire, on ne planifie pas devenir une maman d'enfants handicapés. Tous ces efforts où j'avais tant investi pour des études et une sécurité sur mon avenir et celle de ma famille venait remettre en question mes aspirations et valeurs et tout ce sur quoi j'avais travaillé si fort. C'est ma réalité, c'est ma vie et j'ai envie de vous la partager!