Tests auditifs ou l’histoire d’un dialogue de sourds (suite)

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J’ai 9 mois.

Maman est frustrée d’avoir encore à changer de spécialiste ORL, mais elle ne lâche rien. Elle a réclamé mon dossier et va consulter un autre médecin pour commencer la prise en charge des appareils auditifs. En plus, mon opération du crâne avance à grands pas. J’aurai la tête enflée et surtout les yeux fermés donc il faut que j’aie mes oreilles électroniques avant de partir, pour pouvoir m’y habituer.

Maman a pris rendez-vous chez un audioprothésiste qui doit fabriquer mes appareils. Il met une espèce de pâte à modeler dans mes oreilles. Ça fait bizarre, je fais une drôle de tête. Après quelques minutes, il les retire et m’explique que ce sont les empreintes de mes oreilles pour faire mes appareils. C’est trop bizarre, on dirait un Malabar déjà tout mâchouillé! Papa et maman choisissent la couleur de mes appareils, ils seront bleus comme la couleur de mes yeux. Trop la classe!

Il faut attendre une semaine pour la fabrication des appareils. Maman prend les devants et se forme au bébé signeur. Elle apprend la langue des signes française. Elle connaissait déjà quelques mots, mon frère est autiste avec un trouble du langage et c’est plus facile pour pouvoir communiquer et éviter les frustrations. J’ai d’ailleurs remarqué quelques images sur les murs dans la maison pour l’aider à s’exprimer.

Elle a suivi aussi des formations Makaton, Teacch et Montessori pour aider mon frère à évoluer. Moi, j’en profite aussi. Nous commençons donc la langue des signes avec maman. Elle me dit des mots en signant, je la regarde un peu de travers (en fait j’aime bien regarder les gens en penchant la tête), mais je ne comprends pas tout encore ou alors ça ne m’intéresse pas plus que ça.

C’est le moment d’aller chercher mes oreilles chez l’audioprothésiste. Il doit les régler pour que je puisse entendre mais pas trop tout de suite. Il me pose donc mes oreilles, tape quelques touches de son clavier d’ordinateur et je perçois du bruit. Cela me fait peur et je pleure. Maman me calme et me rassure, c’est de la musique. Il change de son, il me fait encore plus peur celui là. Maman appelle cela un chien. Cela fait beaucoup de bruit un chien. Par contre, quand Maman me parle, je trouve cela très agréable, sa voix est douce. Je suis content de pouvoir l’entendre, enfin !

Nous repartons à la maison et je m’endors sur la route, mais j’entends un bruit très fort qui me fait sursauter. Je panique. Maman se met à rire, elle me caresse la jambe et me dit de ne pas m’inquiéter. Je ronfle! Elle est marrante ce bruit m’a fait très peur. Je me rendors tranquillement.

À la maison, mon plaisir est de retirer mes appareils, cela me gêne. Papa et maman me les remettent et me disent qu’il faut que je m’y habitue. Mais je suis très têtu, je les regarde avec un joli sourire et Pop! Je retire mes appareils et je les jette à leurs pieds ou alors très loin. Pendant une semaine, c’est la bagarre aux appareils.

Nous devons retourner régulièrement chez l’audioprothésiste pour qu’il règle mes oreilles petit à petit, décibel par décibel. Lorsque je serai habitué et que les appareils seront bien réglés, je n’y penserai et n’y toucherai plus.

Puis voici qu’arrive le moment de mon opération du crâne, je crois que Maman vous en a déjà parlé. Je ne vais donc pas m’étendre sur le sujet. Mais il faut juste que j’en dise deux mots. Parce que c’est là que je me suis rendu compte que ce n’est pas si mal la langue des signes. En fait, je me suis souvenu que si je touchais ma bouche avec mon pouce, ça voulait dire que j’avais soif. Maman est restée à mon chevet alors que je suis dans un box de la salle de réanimation. Je n’aurais pas dû y rester si longtemps, mais mes intestins n’aime pas trop la morphine, apparemment. J’ai bien une ou deux aiguilles dans un bras ou une jambe pour m’hydrater, mais je commence à avoir la bouche sèche donc je fais le signe boire à Maman. Elle a tout de suite compris et appelle l’infirmière pour le lui dire. J’ai le droit à de l’eau sucrée, j’adore et je bois beaucoup. C’est génial en fait les signes! Si je n’avais pas signé avec ma maman, je n’aurais pas su comment lui dire que j’avais soif. Maintenant, ça me permet de pouvoir manger, boire et récupérer beaucoup de force. Bref, c’est génial!

Avec Maman et papa nous continuons à apprendre les signes. Maintenant, à 20 mois, je signe de plus en plus : encore, pardon, bonjour, boire, manger, papa, maman, au revoir, dodo, fatigué, etc. C’est vraiment bien, on communique, pourtant je ne parle pas! Je comprends mes parents et ils me comprennent!

Maman a demandé à sa formatrice si elle pouvait m’aider encore plus et approfondir mon apprentissage de la langue des signes. A priori, je ne sais pas si je vais pouvoir entendre normalement un jour, donc il vaut mieux que j’apprenne maintenant. Et puis peut-être qu’enfin tout le monde comprendra que l’on n’a pas besoin d’être sourd pour apprendre la langue des signes. Après tout c’est un excellent moyen de communiquer, même avec bébé!

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Je suis la maman de trois garçons de 1, 6 et 11 ans, trois rayons de soleil aussi différents les uns que les autres, mais qui éclairent nos vies tous les jours. Le plus jeune de mes trois garçons a une trisomie 21 parfaite avec un vrai chromosome en plus, bien complet sans déformation, une vraie réussite. Mon second garçon a eu un tout petit diagnostic de TSA à ses 18 mois. Mais vraiment tout petit le TSA, tout léger, et tout ce qui est petit est mignon. Et mon aîné, pour montrer la voie à ses frères, voit certaines choses de la vie en nuances de gris, surtout pour le rouge et le vert. J’ai travaillé en crèche pendant 10 ans, avec des enfants tous plus ou moins différents, parce qu’à la base chaque enfant est unique et puis parce que j’ai côtoyé des enfants autistes, des enfants trisomiques, des paraplégiques, des myopathes… J’ai aussi été animatrice en centre de loisirs puis directrice. Aujourd’hui, afin de sociabiliser mes petits bouts, je suis assistante maternelle en garde de 3 petits. J’essaie de concilier ma vie de mère et de femme, entre le travail, la maison, les visites chez les spécialistes et autre orthophoniste, psychologue, psychomot…