Quand un choix n’en est pas un

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Ce texte, j’aurais pu l’écrire moi-même, étant passée par-là, deux fois, à la différence que mon emploi m’a permis de faire ce choix. Suite à ma séparation, j’ai dû prendre un temps d’arrêt pour moi, pour me retrouver, pour réapprendre à vivre, seule, avec trois enfants âgés à l’époque de un, trois et cinq ans. Je me suis adaptée à ma nouvelle réalité et un an plus tard je retournais travailler dans un nouveau milieu. Entre-temps, mon fils a reçu son diagnostic d’autisme. Oeuvrant auprès de cette clientèle depuis des années, l’an passé, c’en était trop, je n’arrivais plus à côtoyer l’autisme quotidiennement et au travail et à la maison. Mon médecin m’a recommandé un arrêt de travail pour le reste de l’année scolaire et j’ai eu l’opportunité de changer de clientèle pour l’année suivante. J’avais besoin d’un break de l’autisme.

Je vous partage ici le texte d’une maman (qui désire garder l’anonymat) qui ne peut s’autoriser d’arrêter de travailler, malgré la recommandation de son médecin, puisque ses conditions de travail ne lui permettent pas. Son but, est de dénoncer ce choix qui n’en est pas un…

Je ne sais pas si ça s’est insinué lentement en moi ou les conséquences d’un refoulement de plusieurs années. Par contre, un jour, j’ai réalisé que mon corps et ma tête ne suivaient plus…

J’ai souvent lu ou entendu que ça frappait d’un seul coup. Un beau matin, incapable de sortir du lit, de manger, de dormir. Que le simple fait de se laver devenait la principale tâche de la journée. Pas pour moi. Je sais qu’il y avait des signes, mais c’est si simple de les ignorer! Dans notre « communauté », celles des parents, mais surtout des mamans qui doivent être des supers womens pour nos enfants qui ont besoin de plus d’amour, de temps et de compréhension, les journées sont toujours trop courtes. La conciliation travail-famille est un défi pour tous, imaginez que vous devez également y conjuguer des multitudes de rendez-vous chez des spécialistes, des rencontres avec l’école au 2-3 mois. Médecins pour la médication, gérer des crises au quotidien, des nuits d’insomnie. À travers tout ça, nous avons un boulot où nous devons sans cesse justifier nos absences, tout en demeurant performante et avec le sourire surtout! Ah, j’oubliais, si vous êtes encore en couple, vous devez y voir également. Certaines d’entre nous vont même utiliser une partie de l’énergie restante pour se battre contre Goliath, ce gouvernement qui doit nous écouter, afin que nos enfants puissent développer leur plein potentiel. Et nous dans tout ça? Après cette liste, il ne reste pas beaucoup de temps pour prendre soin de nous.

Un certain matin chez mon médecin, le couperet tombe… Comme si je ne m’y attendais pas et que je croyais normal de pleurer devant un panier de linge ou en direction de l’épicerie. « Tu dois arrêter, ton corps te parle. Tu dois prendre soin de toi avant d’être capable de prendre soin de tes enfants. Si tu continues, ce sera pire. » Penser à moi? Mais pourquoi? Je suis juste un peu fatiguée, ça va passer. Mais elle continue… « Fais-tu de l’insomnie, pleures-tu souvent, fais-tu de l’angoisse? » Oui mais… Ce n’est pas le cas de la plupart des gens? Il paraît que non…

Mon médecin, prête à rédiger une prescription d’arrêt de travail pour épuisement, je panique! J’ajoute ici que je travaille pour le privé, donc tout à fait consciente que mon salaire serait imputé de presque 50%. D’accord pour me serrer la ceinture mais dans quoi puis-je couper autant? L’hypothèque, l’hydro, l’épicerie? Que vais-je faire durant ces journées quand je n’ai jamais arrêté? Je refuse, nettement, malgré son insistance. Je pleure de plus belle parce que je réalise que je ne suis pas finalement celle qui est capable de tout faire. Devant sa sollicitude, c’est encore pire.

« C’est ton choix, mais saches que tu peux m’appeler quand tu veux, penses-y » qu’elle me dit.

Je retourne au travail; parce que les rendez-vous sont le plus souvent sur l’heure du midi. Le cœur n’y ait pas, mais je suis habituée de faire semblant…

Un mois plus tard, non, je ne vais pas mieux, pire si c’est possible. C’est plus difficile de se lever, de travailler, de faire les lunchs. Mon conjoint m’aide mais notre couple battait déjà de l’aile, un malheur ne vient jamais seul selon l’adage! Même celui qui partage votre vie depuis plusieurs années, vos meilleurs amis et vos parents, personne ne peut comprendre ce que l’on ressent.

Quelqu’un a dit un jour : « l’argent ne fait pas le bonheur. » J’aimerais bien savoir qui d’ailleurs! Je suis d’accord en partie, mais j’insiste sur le fait qu’il permet d’avoir une certaine liberté; celle de choisir. De pouvoir faire un choix entre celui de prendre le temps de guérir, ou d’espérer de guérir seule. Malheureusement, l’argent mène le monde. Il permet à certains malades du cancer de se faire traiter à l’étranger. Il permet à certains couples infertiles de devenir parents. Si je travaillais pour le gouvernement, celui même qui contribue à notre épuisement, quelle serait ma décision, eh bien, elle serait tout autre.

Est-ce seulement certains secteurs d’emplois dont les travailleurs peuvent se permettre d’être malades? Est-ce un luxe? Pourquoi le secteur privé ne peut (ou ne veut) avoir les mêmes conditions? J’en conviens que le gouvernement investit des sommes considérables pour une multitude de subventions sociales. J’ai moi-même pu être au côté de mon fils pendant ses huit premiers mois grâce au régime RQAP, contrairement à ma fille, née avant ce programme. Par contre, qui paiera ces taxes exorbitantes qui permettent à certains d’en bénéficier? Je ne demande qu’à redevenir cette personne fonceuse et travaillante. Je n’ai pas demandé ce mal être qui m’habite. Je veux juste guérir afin de redevenir moi-même.

Une maman épuisée

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