Monsieur le Premier Ministre

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Cher Monsieur le Premier Ministre,

Je m’adresse encore une fois à vous, pour vous faire part de mon désespoir, de mon incompréhension vis-à-vis vos choix, vos violentes coupures, vos coups de haches dans l’avenir de nos enfants. En effet, je vous ai déjà écrit, il y a presque un an, pour vous faire part de mon indignation face au supplément pour enfant handicapé que vous nous refusiez. Nous avions pourtant un rapport diagnostique clair confirmant le TSA de notre fils Mathis. Rapport dont nous avons nous-mêmes payé les frais de plus de 2000 $ dans un cabinet de pédopsychiatre privé, puisque vous étiez incapable de nous payer une telle investigation, pourtant essentielle à l’obtention d’une future aide financière ou d’un service spécialisé quelconque.

Après plusieurs mois de batailles, d’appels, de courriels et de formulaires, nous nous sommes résignés à refaire évaluer notre fils en ergothérapie ainsi qu’en orthophonie afin d’avoir en main de nouveaux rapports confirmant les difficultés de notre enfant et ainsi vous convaincre que notre fils avait le droit à votre aide financière. Évidemment, nous avons défrayé, encore une fois, les coûts de ces rapports qui se sont élevés à plus de 700 $. Quelques mois plus tard, vous avez finalement daigné nous accorder le supplément pour enfant handicapé. C’est donc 189 $ que vous nous versez chaque mois. La réalité, c’est que nous déboursons plus de 900 $ par mois afin d’offrir les services et soins spécialisés de base à Mathis. Tout ça, au privé évidemment. Je ne peux pas faire autrement Monsieur, il s’agit de la vie de mon fils, de son développement, de son avenir et du bon fonctionnement de ma famille.

Parce que Mathis a deux frères et que lorsqu’il ne va pas bien, c’est toute la famille qui ne fonctionne pas bien. Nous ne sommes pas riches, je travaille moins de 10 heures par semaines afin de pouvoir être présente à tous ses rendez-vous et ses suivis. Je travaille majoritairement les soirs et les fins de semaines, pour que mon mari puisse être présent à la maison. Parce qu’aucune garderie ne peut accepter Mathis. Mon mari travaille très fort pour subvenir à nos besoins et payer les factures. Tout notre argent, nous l’investissons dans des soins pour notre fils. Parce que depuis son diagnostic, il y a presque un an, le seul service que vous nous ayez offert, c’est environ 20 heures de suivi psychosocial avec une psychoéducatrice du CRDI. Elle était très compétente et nous a donné de bons conseils, mais elle manquait de temps pour pouvoir faire une réelle différence auprès de Mathis. J’aurais voulu qu’elle vienne plus souvent et qu’elle reste jusqu’à ce qu’on soit pris en charge par le système, mais c’est impossible. Il n’y pas assez d’effectifs et surtout pas assez d’argent.

Il faut donc attendre et vider nos comptes en banque. Si nous sommes chanceux, il y aura une place pour nous dans un an, peut-être plus. Mathis recevra alors des sessions de ICI (interventions comportementales intensives) pendant 6 mois, en raison de 8 à 20 heures par semaine. Il aura alors 4 ans. Après lui avoir bourré le crâne en tentant de lui faire rattraper son retard des quatre dernières années en l’espace de six mois, ce sera fini du ICI. J’ose espérer que nous aurons encore quelques suivis avec une psychoéducatrice, mais avec votre budget austère, j’ai peu d’espoir. Et nous ne parlons même pas de l’école, avec vos coupures en éducation et dans les services spécialisés. Je ne crois pas que rendu à cette étape, une école publique soit une bonne option pour mon fils à besoins particuliers.

Mais oublions les chiffres et parlons de notre quotidien. Mon fils fait de l’insomnie, il met des heures à s’endormir le soir. En pleine nuit, il se réveille et reste debout pendant de longues heures. Il a un trouble sensoriel et doit recevoir constamment de la stimulation. S’il n’en reçoit pas assez, il devient agité, même agressif. Son TSA fait en sorte que ses intérêts sont restreints et surtout de courtes durées, ce qui rend tous les apprentissages difficiles, voir même impossibles. Son inconscience du danger le met souvent en situation dangereuse. Son hypersensibilité le rend anxieux et imprévisible. Il est très rigide et fait de grosses crises de colère au moindre changement ou à la moindre émotion. Mathis ne parle pratiquement pas, il a donc de la difficulté à se faire comprendre, ce qui fait qu’il est parfois violent. Il a seulement 3 ans, mais je n’en peux plus de recevoir ses coups, ses morsures, ses pincements. J’en ai assez de le voir lancer, détruire les objets et frapper ses frères.

Par-dessus tout, je n’en peux plus de ne pas comprendre mon enfant. Savez-vous à quel point c’est éprouvant et pénible de voir son enfant tenter de vous faire part de ses souffrances, mais d’en être incapable? Il pleure et vous demande de l’aider, mais vous ne le comprenez pas! Vous tentez de le rassurer mais sans succès. Il finit par se calmer et à abandonner l’idée de se faire comprendre. Il se résigne. Ça fait mal, on se sent brisé, impuissant. Je me sens ainsi aussi face à vos coupures. Je suis à bout de souffle et j’ai peur. Parce que je crois en mon enfant mais vous non. Je sais qu’avec beaucoup de travail et de persévérance, il cheminera. En un an, il a beaucoup évolué et ce n’est pas grâce à vous, mais plutôt grâce à l’argent et au temps que nous avons investis, nous, ses parents. C’est surtout grâce à son intelligence et à sa curiosité, à son envie d’apprendre et à sa sensibilité. Mon fils a beaucoup de potentiel, avec la stimulation et le travail nécessaire, il parlera, ira à l’école et peut-être qu’un jour, il travaillera. Par contre, j’ai peur que mes ressources s’épuisent et que nous ne puissions pas lui offrir les thérapies dont il a besoin. Ça me terrorise! Ça hante mes nuits et mes jours!

Qu’allez-vous faire pour nous aider? Pour assurer un avenir à mon enfant? Vos décisions ont un impact direct sur l’avenir de nos enfants, sur l’avenir du Québec. Qu’allez-vous faire Monsieur? Investir des milliards de dollars dans une multi-nationale qui une fois l’argent en poche, coupe plus de 7000 emplois? Investir plus de 25 millions dans un zoo mais couper en éducation, en santé et dans les services sociaux? Sous-taxer les banques et les grandes entreprises, mais fermer des centres de désintoxication et réduire les subventions aux centres de la petite enfance? Que ferez-vous concrètement pour venir en aide aux familles vivant avec l’autisme? Trouvez-vous normal que le temps d’attente pour un diagnostic soit en moyenne entre 2 à 3 ans, dépendant de sa région? Pour qu’ensuite l’enfant attende encore environ 1 à 2 ans avant de recevoir un minimum de services? Ce constat est pitoyable et inquiétant, sachant que les six premières années de vie sont déterminantes chez les enfants autistes. Que leur autonomie et leur bon développement découlent en grande partie de la stimulation qu’ils recevront durant ces années. Trouvez-vous acceptable qu’environ 45% des mères d’enfants autistes souffrent de détresse psychologique? Monsieur, qu’allez-vous faire sachant que le taux d’autisme augmente chaque année? Comment allez-vous remédier à la situation? Et si vous agissiez en tant qu’homme et non en tant que politicien qui souhaite se faire réélire aux prochaines élections? Si vous écoutiez les réels besoins de vos citoyens? Si vous faisiez de la santé, de l’éducation et des services sociaux, vos priorités, peut-être que j’aurais encore espoir en notre gouvernement, mais pour l’instant, j’ai perdu foi en vous. J’ai compris que je ne pouvais pas compter sur vous. Prouvez-moi que j’ai tort.

Sachez Monsieur, que le bonheur de mes enfants ne dépend pas de vous. Mes enfants sont heureux, je le vois chaque jour dans leurs yeux. Vous devez par contre savoir que vous avez le pouvoir de maximiser leur potentiel en investissant dans les services spécialisés, d’assurer leur bon développement en injectant de l’argent en santé, en éducation et dans les services sociaux. De réduire la détresse psychologique des parents d’enfants différents, en allégeant leur fardeau financier et en leur offrant des services.

Monsieur Couillard, êtes-vous prêt à parler des vraies affaires?

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Mère de 4 enfants, Christine a toujours su qu’elle réaliserait un jour son plus grand rêve, celui de devenir maman. Ayant travaillé plusieurs années auprès d’enfants autistes, elle croyait bien maîtriser toutes les facettes de la différence, mais lorsque son deuxième fils est né autiste, à sa grande surprise, elle réalisa qu’au fond, elle ne savait pas grand-chose sur le sujet! Son premier fils vit avec un trouble de l'information sensorielle ainsi qu'avec un trouble anxieux, son troisième fils, qu'à tant lui, vit avec une dyspraxie verbale. Le quotidien de cette famille différente est loin d'être ordinaire! Christine est aujourd'hui représentante pour des outils sensoriels et des jeux éducatifs chez Équipement de bureau Robert Légaré. Elle vous partagera ici, ses bons et moins bons moments, ainsi que ses coups de cœur en espérant sensibiliser, informer et toucher les lecteurs sur l'autisme et tout ce qui l'entoure.